26 septembre 2025

Œdipe : Plaidoyer pour une réhabilitation (excessivement) tardive, mais (moralement) incontestable

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Sophocle (-495 à -406)
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Sigmund Freud (1856-1939)
L’histoire d’Œdipe, contée principalement au Vème siècle avant notre ère par le dramaturge grec Sophocle, est l’une des plus célèbres qui mette en scène le destin et son inéluctable pouvoir sur l’existence humaine. Laïos, roi de Thèbes, et Jocaste, son épouse, se désolent de n’avoir pas de fils. Ils consultent l’oracle de Delphes qui leur prédit que s’ils ont un fils, le malheur s’abattra sur eux, car cet enfant tuera son père et épousera sa mère, transgressant les pires interdits dictés par la civilisation. En dépit de ces prédictions, Jocaste donne naissance à un fils. Effrayée par la sentence de l’oracle, elle décide de se débarrasser du nouveau-né en l’exposant sur le mont Cithéron accroché à un arbre après lui avoir percé les chevilles avec une aiguille. Au lieu de mourir de faim et de soif ou d’être dévoré par les bêtes, le bébé est sauvé par un berger qui le baptise Œdipe, ce qui signifie en grec « pieds enflés », du fait des sévices subis. Dans le royaume voisin de Corinthe, le roi Polybos se désole, lui, de ne pas avoir de fils. Le berger, trop pauvre pour élever l’enfant lui-même, le présente à Polybos qui l’adopte. Œdipe grandit ainsi au palais, ignorant sa véritable identité, croyant être le fils de Polybos et de Périboea, monarques de Corinthe. Les années passent et Œdipe devient adulte. Un jour, quelqu’un lui révèle qu’il n’est qu’un enfant trouvé. Intrigué, Œdipe s’en va consulter l’oracle de Delphes, lequel lui répète l’horrible prédiction faite jadis à Laïos : « Tu tueras ton père et tu épouseras ta mère. » Bouleversé par un tel présage, Œdipe décide de quitter à jamais Corinthe et de ne plus revoir ses parents présumés. Ainsi, pense-til échapper à l’horrible prédiction ! En chemin, il croise un inconnu avec lequel il se querelle. Sa colère l’amène à se battre et à tuer l’individu. Sans le savoir, Œdipe accomplit la première partie de l’oracle, car cet inconnu n’est autre que le roi Laïos, son véritable père. L’oracle ne dit pas seulement ce qui arrivera : il a l’étrange pouvoir de faire advenir les événements prédits. Poursuivant sa route, Œdipe parvient aux portes de Thèbes et rencontre le Sphinx qui dévore les voyageurs incapables de donner la bonne réponse à son énigme, à savoir quel animal marche le matin à quatre pattes, sur deux à midi et sur trois le soir. Œdipe, ignorant ses origines mais détenant une intelligence supérieure à la moyenne, est le seul à pouvoir donner la solution : l’Homme aux différents stades de sa vie (nourrisson, adulte et vieillard s’aidant d’une canne). C’est ainsi que le pays de Thèbes est délivré de la terreur et Œdipe promu au rang de héros. La reine Jocaste étant veuve, Œdipe est accueilli en bienfaiteur et accepte d’occuper le trône vacant qui lui est offert. Sans le savoir, en entrant dans le lit de la reine, il accomplit la seconde partie de l’oracle. Ainsi, il conçoit avec la reine quatre enfants incestueux qui sont également ses frères et sœurs. L’inceste perturbant l’ordre naturel des générations, ces enfants auront tous une destinée tragique, celle-ci se transmettant aussi sûrement que le patrimoine génétique. Lorsque la peste s’abat sur Thèbes, chacun y voit la colère des dieux pour châtier les hommes d’un meurtre demeuré impuni. Pour l’oracle, c’est le meurtrier de Laïos qu’il convient de retrouver et de bannir de la cité. Œdipe, en tant que roi, fait le serment d’accomplir cette mission, ce qui l’amène à découvrir sa terrible méprise et à reconnaître sa culpabilité. Gagnée par la honte, Jocaste se pend. Œdipe songe d’abord à s’ôter la vie. Mais pensant que c’est là un châtiment trop bref eu égard à la gravité de ses crimes, il se crève les yeux. Chassé de Thèbes, il finit par mourir après une vie d’errance et de mendicité.

23 septembre 2025

Assurance-maladie : Le marronnier des hausses sans fin

À l'occasion de l'annonce officielle des hausses de primes de l'assurance-maladie de 4,4 % en moyenne au moment où les feuilles des arbres brunissent, le seul marronnier qui bourgeonne immanquablement est celui du système de santé suisse qui continue à être le plus cher au monde, ce qui ne devrait plus surprendre la plupart des assurés au vu de l'article publié sur ce blog le 26 mai 2023, excepté ceux et celles qui continuent de promettre des améliorations pour les calendes grecques alors que les causes principales de cette dérive systémique et technocratique ne sont jamais traitées. Ne serait-ce d'ailleurs pas la définition même de la folie au sens empirique, à savoir répéter sans cesse les mêmes erreurs et s'attendre à un résultat différent ?

L'emballement sans fin

Quatre-vingts milliards de francs suisses ! C'est le pactole qu'acceptent de payer chaque année les patients assurés en Suisse et que se partagent ensuite les prestataires de soins: médecins, pharmas,  pharmaciens, établissements hospitaliers, cliniques et autres professionnels de la santé dont la liste n'en finit pas de s'allonger au fil du temps. À en croire nos politiciens, tous œuvrent à une qualité de soins sans commune mesure. Sauf qu'aucune statistique n'est en mesure d'évaluer  ce critère en comparaison internationale. Par contre, ce qui demeure  indiscutable d'un point de vue quantitatif est que la Suisse, selon l'OCDE, est de très loin et depuis de nombreuses années la lanterne rouge des systèmes nationaux de santé en répercutant sur sa population la charge la plus lourde au monde par habitant, loin derrière les États-Unis qui occupent pourtant l'avant-dernière place. Pour chaque assuré suisse, cela équivaut à supporter une prime d'assurance-maladie au moins trois fois plus élevée que la moyenne des pays européens.


Sources: OCDE, Eurostat, OMS, Système international des comptes de la santé (SHA)



À qui la faute ? À nos politiciens et leurs lobbyistes de tout bord d'après ce reportage d'ABE de septembre 2022. Empêtrés dans des conflits d'intérêts privés  incessants, ils sont incapables de défendre l'intérêt général des patients qui, au final, ne sont que les dindons de la farce. L'emballement du système est donc inexorable, car il y a fort longtemps déjà que les serpents du caducée se sont transformés en boas constrictors tellement voraces qu'ils en viennent même à avaler leur queue. Tel ce pays qui se fait le chantre du patronat, de l'économie de marché et de la libre concurrence, mais où il est particulièrement cocasse de s'apercevoir que toutes ses industries et professions dites libérales liées à la santé sont perfusées essentiellement par l'argent public des assurances sociales et ne croissent (ou n'engraissent) que grâce à cette manne intarissable. Pourtant, il existe bel et bien un remède idéologiquement et parfaitement libéral pour enrayer une fois pour toute cette spirale effrénée : Confier à chaque patient-citoyen la pleine responsabilité de sa santé en lui restituant ce qu'il n'aurait jamais fallu lui ôter: sa liberté personnelle de conclure ou pas une assurance maladie, à tout le moins s'agissant des soins ambulatoires qui représentent près de 40% des coûts. C'est le régime qui prévalait il y a à peine une génération au temps où régnait encore une vraie et saine concurrence et où les assureurs prospectaient le chaland pour des primes ne dépassant pas cinquante francs par mois. On peut toujours rêver... Ou au moins méditer en vue des prochaines élections fédérales.

12 septembre 2025

Féminicides : «La nuit du 12» ou plutôt celle du 13

 

Les cinéphiles se souviennent que la «La nuit du 12» est un film, sorti en 2022, racontant notamment les vicissitudes de deux inspecteurs (Bastien Bouillon et Bouli Lanners) de la Police judiciaire de Grenoble tentant de résoudre tant bien que mal un fait divers épouvantable commis au milieu de la nuit par un inconnu ayant, au moyen d'un produit inflammable, délibérément immolé une jeune fille rentrant seule chez elle après avoir passé une soirée chez des amis. Son réalisateur, Dominik Moll, avait déjà réalisé en 2019 «Seules les bêtes» (lire l'article : Chronique délirante d'un cantonnier et de son brouteur), qui, quelques années plus tard, s'est avéré tragiquement prémonitoire, tant la mise en scène du film avait su parfaitement marier la complexité de l'histoire avec un réalisme implacable. Pour «La nuit du 12», le processus de création fut inversé. Car, en dépit de la monstruosité du prétendu crime à élucider, son réalisateur s'est bien inspiré d'un véritable fait divers s'étant produit neuf ans plus tôt, non pas dans la région Rhône Alpes, mais dans celle de l'Île-de-France, précisément à Lagny-sur-Marne. Et, ce ne fut pas une certaine nuit du 12, mais plus exactement celle du 13 mai 2013. À ce jour et à l'instar de l'épilogue du film, le meurtrier de Maud Maréchal, âgée de vint-ans au moment de son assassinat, court toujours. Quant au film qui se vit récompenser par une multitude de prix (dont sept César en 2023), il ne fait mention, à titre mémoriel, d'aucun hommage à destination de la vraie victime et de ses proches dont la peine est imprescriptible. C'eut été la moindre des élégances qu'il fallût tenir en pareille circonstance, à fortiori après avoir reçu tant de récompenses et au vu de l'extraordinaire gravité et similitude entre le crime commis et celui scénarisé.

29 août 2025

L'ordre par le chaos ou quand rumeur et calomnie mènent au meurtre sacrificiel


Comme l'a conceptualisé brillamment l'anthropologue René Girard (lire l'article: Je vois Satan tomber comme l'éclair.), les sociétés humaines en tant que corps grégaire se caractérisent chez la plupart des individus par le désir mimétique, à savoir le besoin de ressembler aux autres, de faire comme ses semblables qui tôt ou tard mènent fatalement aux désirs d'avoir et de posséder ce que les autres ont et que nous n'avons pas, désir qui fait partie intégrante du mimétisme et qui engendre de facto la rivalité mimétique. D'ailleurs, ces choses que nous chérissons chez autrui n'ont pas qu'une apparence matérielle tels les habits, les bijoux, les voitures ou les propriétés foncières. Elles peuvent porter aussi sur des caractéristiques personnelles comme la beauté, le talent, le charisme d'autrui, mais que nous souhaitons aussi ravir, en dépit de l'interdiction faite par exemple dans le décalogue de convoiter la femme de son prochain (parce qu'elle serait plus belle que la nôtre). Et, comme vous l'aurez compris, tout ce mimétisme sociale, qui peut être vertueux du point de vue de l'éducation et de l'instruction publique, peut également receler un potentiel de violence et de dangerosité chez l'individu qui n'ayant pas la force d'introspection de régler ses problèmes intérieurs ou péchant par paresse, cherche à tout prix une cause extérieure à ses frustrations et malheurs en choisissant une cible innocente qu'il lui faut envier parce qu'il n'arrive pas à gérer cette rivalité mimétique qui bouillonne en lui. Tant qu'on reste à un échelon individuel, cette violence interne et personnel peut se résoudre au pire par le meurtre caïnite, comme nous l'apprennent toutes ces émissions de faits divers qui pullulent dans les médias et dont les mobiles sous l'angle criminologique sont la plupart du temps invariablement les mêmes: jalousie et cupidité. Mais, l'envieux peut s'avérer beaucoup moins frustre et vouloir échapper absolument à toute condamnation judiciaire. Dans ce cas, il lui sera facile de partager ses rancœurs et frustrations avec d'autres personnes. Comment ? En proférant au sujet de sa cible des calomnies qui auront d'autant moins de peine à être partagées par d'éventuels comparses (proches pouvant trahir facilement la confiance accordée par la victime ou mandataires externes tenus légalement au secret) que ceux-ci auront été soudoyés. C'est en associant calomnie et corruption qu'il est alors aisé d'organiser toute sorte de complot qui transformeront un véritable crime en un malheureux et regrettable concours de circonstances qui ne sortira jamais de la rubrique nécrologique. Enfin, lorsque la rivalité mimétique est instrumentalisée par la politique, la violence qu'elle génère peut engendrer une crise sociale par la rumeur qu'elle propage sournoisement et l'effet de meute qu'elle engendre. Autrement dit, la diffusion de fakes news et l'usage abusif des réseaux sociaux, par leurs algorithmes d'enfermement qui conditionnent toujours plus et à leur insu les individus, peut aboutir collectivement à nourrir une révolte (par ex. la prise d'assaut insurrectionnelle du Capitole le 6 janvier 2021) ou isolément déstabiliser le psychisme des plus vulnérables pour les inciter à commettre des actes irréparables comme des attentats terroristes. Et, lorsqu'un certain chaos informationnel s'installe dans l'opinion publique, il devient annonciateur de violence sociale qui, si elle n'est pas jugulée ou stoppée,  se concentre et s'abat sur un ou plusieurs boucs émissaires qui dans les faits sont rarement (pour ne pas dire jamais) les véritables fauteurs du trouble initial (par ex. les crimes de guerre commis par le gouvernement israélien à Gaza qui se retournent contre la diaspora juive). Le corps social ayant une sainte horreur du désordre (celui-ci ne pouvant être que temporaire), il s'ensuit que les boucs émissaires désignés devaient être sacrifiés pour que la cohésion sociale fût enfin rétablie, au mieux par la Justice dans un régime démocratique et républicain, au pire par l'éradication de toute dissidence dans un régime totalitaire.

22 août 2025

Infrarouge (RTS) : Bienvenue dans "l'air" des lèche-culs !


À revoir cet extrait de notre seule et unique émission de débat télévisé sur la RTS, il apparaît clairement que le temps des lèche-bottes qui, selon la définition du Robert, flattent servilement, ou celui des lèche-culs qui, en plus, flagornent, est bel et bien revenu en toute franchise et de façon totalement décomplexée et malodorante. C'est surtout la conclusion à laquelle le téléspectateur parvient après avoir écouté l'extrait ci-dessus qui sur le plateau de l'émission semble avoir fait consensus même auprès du journaliste Alexis Favre qui n'a pas exprimé la moindre indignation. Il faut dire qu'à sa décharge, il n'avait invité que des représentants du monde économique qui, par définition, ne s'embarrasse pas de règles morales. Au vu du thème abordé, à savoir comment la Suisse doit réagir face à Donald Trump et ses taxes douanières de 39 %, le monde politique ne s'est visiblement pas pressé au portillon pour y répondre, craignant probablement de commettre des impairs sur la bonne attitude à avoir et les réponses qui doivent suivre, l'échelle des valeurs entre le monde politique et celle de l'économie n'étant pas tout à fait superposable, du moins on l'espère. Mais, tout de même, cela en dit long sur le climat général ambiant qui peut rappeler historiquement le dilemme auquel les Français ont été confrontés sous le régime de Pétain en 1940 entre la collaboration et la résistance alors  que les atrocités des crimes nazis n'étaient même pas encore connus. Face à un Donald Trump vulgaire, imprévisible et arbitraire, ceux qui choisissent la flatterie et la flagornerie sont résolument les "nouveaux collabos" de ce siècle. Ils acceptent de s'avilir au seul motif de l'appât du gain à court terme, peu importe au fond le mauvais exemple qui laisseront derrière eux. Les résistants, eux, gardent leur sang-froid et sont prêts à perdre à court terme tout en cherchant à s'adapter à cette nouvelle situation et à continuer de croire en l'avenir plutôt que de vendre leur âme au Diable. Ce sont ces derniers dont l'histoire se souvient le plus souvent et certainement pas des premiers qui retournent leur veste à la première occasion. Quant à Monsieur Pascal Saint-Amans dont le métier affiché est de conseiller des gouvernements sans préciser lesquels (les conseillers sont certes des commissionnaires avisés, mais certainement pas les payeurs) et qui déclare que la Suisse doit respecter ses engagements envers les USA pour l'achat des avions de combat. Mais, pour qui se prend-t-il et de qui se moque-t-on ? C'est pas comme si on était dans un pays souverain en paix et qu'il n'y avait aucune urgence à se décider ? Non, cet avilissement ne serait qu'un début. Car, pourquoi s'arrêter quand on accepte de jouer le jeu de Trump pour obtenir à tout prix ses faveurs ? Et Pascal Saint-Amans de renchérir en déclarant que notre gouvernement devrait se contraindre à proposer "vraiment" et "absolument" au comité Nobel, comme l'a fait le Pakistan (merci pour la comparaison en matière de respect des droits humains!), d'accorder à Donald Trump la fameuse distinction de pacificateur à laquelle il prétend, mais dont le réel mérite fait toujours défaut en dépit de ses déclarations à l'emporte-pièce et sans lendemain aussi vites oubliées (par lui-même) qu'il les a prononcées. Et, Alexis Favre de surenchérir immédiatement en proposant d'offrir à ce cher Donald un caquelon en or, une Rolex en diamants, des skis en marbre (?) et un avion, certes pas aussi grand que celui du Qatar, mais certainement plaisant pour se déplacer de green en green et jouer ses parties de golf. Mais, soyons plus scandaleux encore ! Pourquoi ne pas faire voter par le Parlement une loi anti-anticorruption qui permettrait à la dynastie Trump de recevoir sur un compte numéroté aux Îles Vierges américaines quelques dizaines de millions de francs suisses, bien plus sûrs que les cryptomonnaies ? En tant que pays exemplaire en démocratie (il n'en reste plus beaucoup), nous pourrions même organiser un référendum pour mesurer le degré de moralité, respectivement d'immoralité, du peuple suisse à vouloir corrompre activement un Chef d'État en exercice aux seules fins d'obtenir un rabaissement des taxes douanières américaines. Alors, la Suisse retrouverait l'époque moyenâgeuse des Habsbourg et la tyrannie, non pas celle du bailli impérial Gessler, mais du Président "Kiss my ass !" (KMA pour les intimes). Reste à savoir si le mythe fragile de Guillaume Tell y survivra.