20 septembre 2024

La démocratie se suffit-elle à elle-même ? (1/2)


Voilà un beau sujet de dissertation de niveau baccalauréat sur lequel nos jeunes d'aujourd'hui pourraient plancher (ou sécher c'est selon) un temps certain au vu de la complexité de la question. Autrement dit, il s'agit de savoir si vivre dans une société prétendument démocratique, mais surtout libérale, par opposition aux dictatures, est une garantie de bonheur comme l'écrivit Paul Éluard dans son célèbre poème mettant au pinacle des valeurs humaines le graal suprême qu'est La Liberté. On peut dire sans trop hésiter qu'une vraie démocratie garantit en principe les droits fondamentaux des individus dont la liberté est une valeur centrale, et qu'à ce titre elle est une condition nécessaire, mais certes pas suffisante, pour que chaque individu puisse  s'épanouir et atteindre une certaine plénitude dans l'existence. Si une saine démocratie crée le contexte favorable pour qu'un tel bonheur puisse advenir, elle peut être aussi la cause de beaucoup de désillusions, de tourments et de malheurs, tant cette liberté que peuvent exercer abusivement les uns empiète et piétine fâcheusement et irrémédiablement sur celle des autres le plus souvent pour les avilir et s'enrichir à leurs dépens. Sa dérive la plus redoutée est celle de corporatismes débridés et insidieux qui lorsqu'ils ne trouvent pas de contre-pouvoirs suffisants aboutit à instaurer une sorte de fascisme silencieux. À l'échelle des nations, l'Histoire humaine n'est qu'une infinité de répétition de ce dualisme entre dominants et dominés. Au niveau des individus, c'est également la même mécanique qui se reproduit quand les jeux de pouvoirs deviennent délétères et aboutissent à nier l'autre dans son être, voire à le supprimer humainement, si ce n'est physiquement. D'aucuns rétorqueront que dans un État de droit les lois protègent les individus contre de tels abus. Certes, les sociétés démocratiques qui garantissent le principe de l'État de droit ont fait d'énormes progrès si l'on prend comme date pivot la Révolution française et sa Déclaration universelle des droits de l'Homme et du Citoyen, depuis le Moyen-Âge jusqu'aux temps actuels. Mais, les lois sont avant tout des actes politiques dont le premier souci n'est pas de rendre les gens vertueux, mais de fixer des règles de vie en société qui garantissent autant que faire se peut la paix sociale et la croissance économique. Rien de plus. Les sociétés prétendument démocratiques n'arrivent toujours pas à rendre les gens plus honnêtes, à ne point trahir, mentir, corrompre, haïr ou calomnier son prochain, si tant est que dans leur application de telles lois pussent suffire. Par exemple, on sait que certains secrets professionnels sont protégés par la loi. Mais, dans les faits, ils sont souvent violés au sein de corporations sans que celui qui accorde sa confiance n'en sache rien et ne puisse jamais s'en plaindre. Bref, les lois en démocratie ne sont que des pis-aller plus ou moins efficaces et respectés. Elles espèrent rendre la société meilleure sur le long terme. Mais, à l'échelon individuel, elles n'ont pas  de vertu pédagogique suffisante, n'en déplaise aux nihilistes, relativistes et athées (voir l'article sur le nihilisme et le relativisme: la revanche des ignorants ou des inconscients). Elles le sont d'autant moins pour les personnes vulnérables tels les jeunes adultes qui n'auront reçu en héritage aucune éducation morale ou religieuse, soit le socle des valeurs humaines fondamentales telles qu'on les retrouve par exemple dans La Bible et qui constituent les repères les plus précieux permettant de distinguer le Bien du Mal, d'agir avec conscience et donc de s'orienter en connaissance de cause sur l'océan des libertés et de ses outrances tant vanté par nos prétendues démocraties, mais recelant d'innombrables pièges pour un marin naviguant sans boussole et à ses risques et périls.

«Tantum ergo» ou quand Le Vatican se mêle de démocratie.

Tantum ergo est un chant de la liturgie catholique. En espèce, il est aussi le titre que Dino Risi et Ettore Scola ont choisi de donner à l'un de leurs plus fameux sketchs tirés du film "Les nouveaux monstres" sorti en 1977 et qui fut une suite du premier film du même nom réalisé en 1963. Coincé dans un village en raison d'une panne de voiture, un cardinal (Vittorio Gassman) découvre qu'un abbé sans soutane a transformé l'église en un lieu de débat politique à tendance socio-démocrate. L'abbé tente, sans être entendu, de rassembler ses ouailles autour d'un combat politique non violent. Il s'ensuit une assemblée chaotique de paroissiens furieux à qui la mairie refuse de réhabiliter leur logement. Le vote démocratique que l'abbé leur propose n'a pour effet que de provoquer division, colère et indiscipline. Impuissant à ramener le calme dans l'assemblée, l'abbé se tourne alors vers le cardinal pour lui demander d'intervenir. Ce dernier accepte l'offre et, prenant le contre-pied de l'abbé, assène un sermon évangélique vigoureux teinté d'ironie qui finit par plonger tous les paroissiens dans un état de piété et de joie, rappelant au passage que, devant les injustices terrestres, la seule promesse qui vaille est celle d'un bonheur éternel au Ciel. S'étant joué de la laïcité de façon triomphante, le cardinal s'éclipse alors devant les paroissiens agenouillés, non sans les avoir exhorté à entonner le "Tantum ergo", tandis que l'abbé furieux lui lance: «Vous nous avez encore possédés.»

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