C'est une liesse générale qui s'est exprimée récemment dans les capitales européennes pour célébrer la fin d'une dictature la plus sanguinaire que notre monde contemporain a connu. Bachar al-Assad a finalement quitté son fief de tyran pour se réfugier, lui, sa famille et sa fortune évaluée à deux milliards de dollars, en Russie auprès de Vladimir Poutine qui en dépit de ses promesses réitérées s'était pourtant engagé militairement à ne jamais le laisser tomber. À ce titre, les syriens peuvent remercier l'Ukraine (et accessoirement l'Europe et les États-Unis) pour avoir affaibli la Russie à un point tel qu'elle n'était plus en mesure de protéger le régime syrien. Puis, de s'étonner de la rapidité avec laquelle les rebelles ont emprunté leur chemin de Damas pour faire abdiquer l'armée loyaliste en treize jours. Mais, c'est aussi vite oublier que la révolution syrienne a commencé il y a plus de treize ans avec une guerre civile savamment entretenue par le régime en place afin de rester coûte que coûte au pouvoir, sacrifiant près d'un demi-million de morts. Et, si le coup de grâce a pu être donné si facilement par les rebelles dans un pays exsangue, c'est enfin dû à l'affaiblissement du Hezbollah syrien par l'armée israélienne, notamment depuis l'attaque particulièrement rusée des beepers qui décima en moins de 24 heures le commandement de la faction terroriste soutenue par l'Iran. Les syriens d'aujourd'hui de toute confession et de de toute ethnie qui clament haut et fort leur joie d'être délivrés de leur oppresseur, sauront-ils demain se souvenir que c'est aussi grâce aux régimes démocratiques que le tyran Bachar al-Assad a fini par tomber ?
La politique comme la nature ayant horreur du vide, il demeure à présent cette grande incertitude sur l'après Assad. Va t-on voir un nouvel État islamiste à la mode afghane ou iranienne émergé ? Ou les nouveaux dirigeants auront-ils la sagesse de rassembler l'ensemble des communautés ethniques et religieuses du pays afin de construire une société laïque et respectueuse des droits humains ? Et un des signes précurseurs qu'il faudra suivre attentivement ces prochaines semaines sera d'observer la réelle motivation des nouveaux dirigeants à faire en sorte que la justice nationale, voire internationale, puisse œuvrer rapidement et faire en sorte que les membres de l'ancien régime soient jugés publiquement et équitablement sur les crimes d'État et exactions commis. À défaut, si ces travaux d'enquête et de mémoire ne sont pas entrepris, on peut être à peu près sûr que les vieux démons réapparaîtront pour le plus grand malheur du peuple syrien. C'est toute l'urgence et l'immense défi qui s'imposent désormais à la société syrienne. Si l'année 2024 peut se conclure avec une pointe d'optimisme (ne boudons pas notre satisfaction !), elle ne doit certainement pas nous faire oublier, comme le rappelle le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'Homme, les très nombreuses victimes des crimes et atrocités perpétrés à travers le monde par des régimes autocratiques et leurs suppôts, corrompus et criminels, comme la guerre civile du Darfour au Soudan totalisant près de trois cents mille morts à ce jour ou ces massacres de milliers de personnes en Haïti par croyance en des rites vaudou, tels ces culs-de-basse-fosse des Enfers de ce monde qui troublent notre conscience et rappellent toute cette sauvagerie humaine qu'on préfère oublier par pures commodités.
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