29 juillet 2022

Crise climatique: «L'industrie mène une guerre au vivant»


Après des années d'études et diplôme en poche, c'est le constat accablant que font certains étudiants français en agronomie. Ils ont prononcé un discours au vitriol contre "une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours". Le ton est donné, dès les premières secondes du discours. A la tribune de la cérémonie de remise de diplômes des étudiants d'AgroParisTech, une prestigieuse école d'ingénieurs agronomes, Lola Keraron se livre avec ses camarades à une critique en règle de l'agro-industrie et du capitalisme: "Nous ne croyons pas que nous avons besoin de 'toutes les agricultures'. Nous voyons plutôt que l'agro-industrie mène une guerre au vivant et à la paysannerie partout sur Terre. Nous ne voyons pas les sciences et techniques comme neutres et apolitiques. Nous pensons que l'innovation technologique ou les start-up ne sauveront rien d'autre que le capitalisme". Le collectif, baptisé "Des agros qui bifurquent", appelle les étudiants à sortir du cursus classique. "Désertons avant d'être coincés par des obligations financières", lance l'un d'eux, avant de faire référence à la crise climatique. "N'attendons pas le 12e rapport du GIEC qui démontrera que les Etats et les multinationales n'ont jamais fait qu'aggraver les problèmes qui ne peuvent déboucher que sur des révoltes populaires". Quant aux étudiants de Polytechnique, “Il est urgent d’entamer un virage radical, de sortir des rails sur lesquels nous installent insidieusement notre diplôme et notre réseau. Il est urgent de renoncer à notre petit confort, un confort certes rassurant, mais délétère. Redescendons sur terre!”

14 juillet 2022

Flash-back sur « Qui a peur de...? »

Le journaliste John Paul Lepers sillonne la France en camping-car et tend son micro à ceux et celles qui sont d'accord de parler de la religion musulmane. Mais pas seulement. On pourrait croire que ce reportage de l'émission intitulée «Qui a peur de...» est récent. Sauf qu'on s'aperçoit qu'il a été conçu, puis diffusé sur France télévision en septembre 2010, soit avant l'apparition de l'État islamique en Syrie et les nombreux attentats qui s'ensuivirent. Se pourrait-il que le replay de ce reportage prenne aujourd'hui l'allure d'une troublante photographie révélant çà et là les prémices des terribles tragédies survenues ? Et si les plus sincères amours en Dieu ne sont-elles pas la sagesse acquise de savoir préserver sa foi religieuse de toute violence et donc de toute haine ?


01 juillet 2022

Au terrible temps des sorcières

Depuis la fin du Moyen-Âge jusqu'au XVIIIème siècle, la chasse aux sorcières a fait cent mille morts en Europe. Et c’est étrangement la Suisse qui détient le record du nombre de victimes: des femmes surtout, des hommes et parfois même des enfants. Tous victimes innocentes d’une machine judiciaire qui par une procédure d'inquisition impitoyable, telle l'obtention d'aveu sous la torture, créa elle-même ses "coupables idéals". Dans le Pays de Vaud, la répression de la sorcellerie a été l'une des plus féroces. Pas moins de deux mille personnes sont mortes sur le bûcher. Pourtant, ces persécutions n'étaient pas l'œuvre de l'Église, mais bel et bien celle de tribunaux laïcs et séculiers dès l'arrivée de La Réforme.


Quant à Genève, son tribunal y rendit sa dernière sentence pour crime de sorcellerie en 1652 lorsqu'il pendit et brûla sur la Plaine de Plainpalais la servante Michée Chauderon et dont ses accusateurs n'étaient autres que des bourgeoises. Au XVIIIème siècle, Voltaire s'empara du procès de la malheureuse  pour en faire une martyre de l'intolérance religieuse. Ce n'est qu'en 1997 que les autorités du canton réhabilitèrent officieusement Michée Chauderon en baptisant de son nom un chemin sans issue, comme une ultime évocation symbolique de l'erreur judiciaire dont elle fut victime. En Suisse, le dernier procès pour sorcellerie se tint en 1782 à Glaris contre une servante nommée Anna Göldin qui fut exécutée par décapitation. Elle fut réhabilitée officiellement par le parlement glaronnais en 2007 qui qualifia sa condamnation de l'époque de "meurtre judiciaire".


Comment pareil phénomène, unique dans l’histoire du monde, a-t-il pu surgir et perdurer durant près de trois cent ans ? Comment expliquer ce surgissement de haine, dans toutes les couches sociales de l'Helvétie ? Dans le podcast qui suit, Cyril Dépraz, journaliste, interroge Jacob Rogozinski, philosophe, afin de tenter de comprendre et répondre à ces énigmes historiques.

Autres podcasts et documents disponibles de la RTS dans les séries radiophoniques «Au temps terrible des sorcières» et «Une histoire de la chasse aux sorcières».

17 juin 2022

L'hystérectomie pour garder son travail

Quel est ce mal mystérieux qui frappe les coupeuses de canne à sucre dans la région de Beed, en Inde ? Pourquoi un tiers d'entre elles subissent-elles, parfois très jeunes, une ablation de l’utérus qui provoque une ménopause précoce ? Début octobre dans le Maharashtra, État du centre-ouest de l'Inde, le recrutement bat son plein pour la saison de la coupe de la canne à sucre qui va commencer dans le sud du pays, à 500 kilomètres de là. Elle va durer six mois, et employer plus d'un million de travailleurs. Les agents recruteurs, les "mukadam", sont payés par les planteurs pour les amener par familles entières vers une région appelée la "ceinture du sucre", dans l'État voisin du Karnataka. Sur place, les mukadam sont chargés de veiller à leur productivité.

La moitié des travailleurs sont des ouvrières qui peinent dans les champs depuis parfois l'âge de 10 ans. Les conditions de travail sont extrêmement dures : lever à 3 heures du matin pour enchaîner dix heures de travail sous un soleil de plomb, avec un seul jour de congé par mois. Mais, ici, une femme sur trois n'a plus d'utérus. Souvent dès leurs 20 ans, elles subissent une hystérectomie totale (avec ablation des ovaires), très rare chez d'aussi jeunes femmes. A 30 ans, elles en paraissent 50, visage et corps vieillis prématurément. L'opération provoque une ménopause très précoce, stoppant la production d'hormones et les rendant stériles. Pour le mukadam, Jyotiram Andhale, «les ouvrières qui se plaignent de maux de ventre et n'enlèvent pas leur utérus sont un problème, car elles sont moins productives.»

Reka a 20 ans et pense déjà à se faire enlever l'utérus. Elle se plaint de douleurs récurrentes et violentes. Elle est continuellement épuisée et son ventre lui fait très mal. De nombreuses coupeuses de canne à sucre sont dans le même cas, confirme le mukadam. Il assume leur conseiller de se faire enlever l'utérus, notamment pour éviter un cancer (un risque faible, mais brandi sans scrupule par les médecins de la région pour justifier complaisamment l'intervention chirurgicale). «Ensuite, elles pourront reprendre le travail aux champs. Le coût de l'opération est à leur charge. Durant l'hospitalisation, elles ne touchent pas leur salaire», précise le mukadam.

Des milliers de coupeuses de canne à sucre se laissent ainsi convaincre de subir une hystérectomie. Un sacrifice de leur corps pour affronter le travail de forçat dans les champs qui s'avérera bien inutile, car leur calvaire ne fera qu'empirer avec la ménopause prématurée. «Notre recruteur nous crie dessus si on ne travaille pas assez», confient de leur côté les femmes aux journalistes, profitant de l'absence des hommes partis livrer la coupe du jour à l'usine. «Il nous frappe aussi très fort, même quand on se sent mal. Le mukadam hurle à nos maris qu'on ne travaille pas assez dur, et qu'il faut rembourser nos salaires.» Dans le reste de l'Inde comme ailleurs dans le monde, l'hystérectomie concerne pourtant à peine 3% des femmes, et n'est généralement pratiquée que sur des patientes de plus de 50 ans.

03 juin 2022

Tuerie d'Uvalde: Trump et la NRA veulent armer les profs

Trois jours après la tuerie dans une école primaire d'Uvalde (Texas) ôtant la vie à 19 enfants âgés de dix ans et 2 instituteurs, les manifestants anti-armes ne cachent pas leur colère. Les pro-armes leur répondent: "Des gens normaux peuvent avoir des armes, on n'est pas là pour tuer, on est là pour protéger." La NRA (National Rifle Association) est profondément critiquée par le président américain lui-même. "Par la grâce de Dieu, nous devons nous lever face au lobby des armes", a imploré Joe Biden. Mais la NRA finance les campagnes d'élus, surtout Républicains. En 2020, elle avait donné 29 millions de dollars à Donald Trump pour sa campagne électorale. Hélas, la statistique nous montre que ce drame n'a rien d'extraordinaire aux États-Unis. En effet, 361 fusillades de masse ont été perpétrées depuis 2006 (1 fusillade de masse équivaut au moins à trois victimes hormis l'auteur), soit une moyenne actuelle de 24 tueries par an, chiffre qui s'est considérablement aggravé ces dernières années quand on sait qu'il était douze fois moindre durant la période de 1982 à 2002. Et c'est précisément en 2002 que Michael Moore réalise son film documentaire «Bowling for Columbine» afin d'alerter l'opinion publique sur l'inquiétante dérive visant à généraliser les armes à feu dans la société américaine. Pour illustrer son sujet, il se référait déjà à la tuerie du lycée de Columbine à Littleton (Colorado) en 1999 où 12 lycéens et un professeur avaient été assassinés par deux de leurs camarades. Le choix du titre du documentaire était là pour rappeler l'indifférence et la froideur des deux jeunes tueurs qui juste avant de commettre leur massacre de bon matin avaient choisi comme ultime distraction de jouer au bowling toute la nuit. Le film s'est vu primé au festival de Cannes et a reçu l'Oscar du meilleur film documentaire et le César du meilleur film étranger.