Et si l'arme nucléaire ne servait plus à dissuader, mais à éliminer une grande partie de l'humanité ? Personne n'y songe vraiment car tout les scénarii d'usage de la bombe atomique se fondent sur la théorie de la dissuasion, c'est-à-dire qu'aucun pays doté n'a intérêt à faire usage de l'arme atomique puisque le premier agresseur s'exposerait immédiatement à une riposte foudroyante des autres. Sauf que cette théorie bien pensante repose sur des prémisses qui n'ont plus vraiment cours aujourd'hui, à savoir : Primo, tous les États dotés doivent être réceptifs à la dissuasion. Secundo, ils ont une politique étrangère qui se veut pacifiste et non expansionniste. Et, enfin tertio, leurs dirigeants sont prévisibles et sain d'esprit. Or, lorsque l'on observe ce qui se passe du côté d'un État comme la Russie, soit le plus grand pays au monde du point de vue de sa superficie et dirigé par un kleptocrate à la tête d'un clan mafieux, on peut nourrir de sérieux doutes sur le fait que l'usage du nucléaire resterait en Russie purement dissuasif, comme le croient facilement les démocraties. Si l'on remonte à la fin de la Seconde guerre mondiale, qu'aurait fait Adolf Hitler, théoricien de la race aryenne, s'il avait disposé de l'arme atomique comme l'avait craint la communauté scientifique de l'époque qui s'était empressée d'alerter Franklin D. Roosevelt pour démarrer au plus tôt le projet Manhattan qui fut le premier essai nucléaire concluant.
Il est d'ailleurs symptomatique d'observer, à tout le moins depuis le début de l'invasion en Ukraine, un parallélisme effrayant avec ce qui s'est passé au XXème siècle, soit il y a tout juste cent ans et dont personne ne semble se souvenir: La montée du nazisme en Allemagne comparée à l'oppression permanente du régime de Poutine sur le peuple Russe, la politique de haine entretenue à l'égard des pays victorieux de la Première Guerre mondiale comparée à la haine toujours croissante nourrie par Poutine à l'égard de l'Europe, l'indolence coupable des États-Unis à laisser les choses dégénérées (par exemple, l'accueil très mitigé que les États-Unis avait réservé au chef d'œuvre de Charlie Chaplin "Le Dictateur", qui pourtant prophétisait la Shoah et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, en est un témoignage édifiant) comparée à la politique attentiste et équivoque de la Maison Blanche vis-à-vis de l'Ukraine et qui, avant février 2022, n'avait toujours pas pris la mesure de la dangerosité du Régime poutinien, et enfin, the last but not de least, le conditionnement du peuple russe à se préparer à la guerre comme l'avait évidemment voulu Adolf Hitler pour ses compatriotes après son accession démocratique au poste de chancelier du IIIème Reich. Est-on pareillement amnésique pour ne pas se rendre compte que l'Histoire est en train de bégayer. Sauf que la fin de ce cauchemar, à la différence de ce qui s'est passé au vingtième siècle, ne sera assurément pas la même: Qui peut imaginer un instant que Poutine, perdant la guerre, se réfugiera dans son blockhaus pour avaler une capsule de cyanure afin d'échapper à son procès pour crime de guerre et contre l'humanité?
Aujourd'hui, les commentateurs de la guerre en Ukraine se gargarisent de dissuasion nucléaire en prétendant que Poutine n'osera jamais faire le premiers pas. Mais, pour avancer de telle conjecture, encore faudrait-il savoir ce qu'il y a exactement dans la tête de ce dictateur-prévaricateur qui est aussi, comble de l'horreur, l'homme le plus riche et donc le plus corrupteur au monde. Et force est d'admettre que personne n'en sait rien. On disait de lui qu'il n'envahirait pas l'Ukraine. Il l'a fait. On disait qu'il respecterait des élections démocratiques et s'en irait au bout de huit ans. Il a éliminé politiquement et surtout physiquement tous ses opposants, a muselé la presse et la liberté d'opinion, puis s'est auto-proclamé à vie Tsar de toutes les Russies et ne cesse de fomenter des guerres hybrides et cyberattaques contre toutes les vraies démocraties qu'il sait pouvoir déstabiliser parce que ces dernières sont tellement corruptibles, comme l'avaient déjà constaté Lénine et Staline dans cet aphorisme devenu culte: «Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons.»