23 avril 2022

« Je vois Satan tomber comme l'éclair » de René Girard

La lecture anthropologique des Évangiles faite par René Girard (1923-2015), philosophe, anthropologue et historien français, dans son ouvrage paru en 1999 et intitulé «Je vois Satan tomber comme l’éclair », démontre avec une rigueur toute scientifique que les forces du Mal, si elles sont perçues à tort comme des mythes, ne sont jamais désincarnées. Extrait: «Satan ou le Diable est tour à tour celui qui fomente le désordre, le semeur de scandales et celui qui, au paroxysme des crises qu’il a lui-même provoquées, y met brusquement fin en expulsant le désordre. Ce qui permet de conclure que Satan expulse Satan en accusant une victime innocente qu’il réussit toujours à faire condamner, tel un bouc émissaire. Parce qu’il est le maître du mécanisme victimaire qui se nourrit de la rivalité mimétique pour engendrer la haine, Satan est aussi le maître de la culture humaine qui n’a pas d’autre origine que le meurtre. C’est le diable en dernier ressort, autrement dit le mauvais mimétisme, qui est à l’origine non seulement de la culture caïnite, mais de toutes les cultures humaines.»

 

«Je te bénis, Père, d'avoir caché cela aux sages et aux habiles et de l'avoir révélé aux tout-petits.» Les sages et les habiles, depuis, se sont bien vengés: À force de concasser les Évangiles, ils en ont fait un petit tas de pièces et de morceaux trop hétéroclites pour signifier quoi que ce soit. Comme pour la philosophe Simone Weil, René Girard pense que les Évangiles sont une théorie de l'homme avant d'être une théorie de Dieu. Découvrir cette théorie de l'homme et l'accepter, c'est rendre vie aux grands thèmes évangéliques relatifs au Mal – de Satan à l'Apocalypse – et aussi ressusciter l'idée de la Bible tout entière comme prophétique du Christ. Dans le dépérissement des pensées modernes – représentées par un athéisme toujours plus ignorant et inconséquent –, les Écritures saintes seraient-elles les seules à tenir debout ?

08 avril 2022

Platon et la corruption

Les podcast du philosophe Charles Robin, plus connu sous l'appellation "Le Précepteur", sont des initiations remarquables à la pensée philosophique. Dans cette vidéo, Charles Robin s'attaque à la question de la corruption en philosophie. D'abord sous l'angle moral où la corruption ne vise qu'à aliéner ou asservir la conscience de ceux qui se laissent acheter. Ensuite, d'un  point de vue platonicien où elle est synonyme de dégradation de tout forme de vie qui, par essence, naît pour se diriger inexorablement vers son déclin. Mais, ceux qui auront la sagesse de l'écouter jusqu'au bout ne seront pas déçus par la conclusion subliminale à laquelle il parvient.

26 mars 2022

Chasseurs de criminels de guerre

Brut et Spotify vont dans des lieux difficiles d'accès pour nous faire entendre ce qui est interdit de filmer. Dans cet épisode, tout le monde est accrédité “secret défense", car il est question de l'Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité (l’OCLCH) qui a pour mission d’arrêter les responsables de certaines des plus grandes atrocités de ces dernières années : les crimes de guerre et de génocides. Conserver l’anonymat des enquêteurs de cette brigade est primordial pour garantir leur sécurité. Mais, si vous ne verrez pas les visages de ces héros du quotidien, vous entendrez leur voix.


12 mars 2022

Poutine sous l'œil de Socrate

Il a osé ! Après avoir bombardé l'Ukraine, Poutine a décidé devant ses Généraux de mettre sa force de dissuasion nucléaire en état d'alerte, en sus d'un recours possible aux armes chimiques. Dans cette escalade verbale, le spécialiste en rhétorique Victor Ferry nous explique comment répondre à la provocation. Pour illustrer son propos, il reprend l'échange verbal par médias interposés auxquels se sont livrés Biden et Poutine lorsque le premier, quelques mois auparavant, a qualifié le second de "tueur". Il relève au passage l'habileté de Poutine pour ce genre de joute oratoire où celui-ci semble maîtriser parfaitement l'art de convaincre, dût-il user de toute sorte de ruses, d'artifices et de mensonges pour y parvenir. Plus inquiétant est la fascination que cette rhétorique exerce sur nos opinions occidentales encore libres d'y succomber, au risque un jour de s'y soumettre.


Passé cet instant de séduction, il faut revenir au dialogue rapporté par Platon entre Gorgias et Socrate. Gorgias est un sophiste qui enseigne la rhétorique et considère que l'art de bien parler est le meilleur de tous les arts exercés par l'homme. Quant à Socrate, il dénonce la sophistique comme un art du mensonge. D'après Socrate, la rhétorique en politique est une pratique sans valeur, car elle n'apporte pas la vérité puisque tout rhéteur se vante de pouvoir soutenir avec la même intensité une thèse, puis son contraire. La rhétorique est même dangereuse quand elle sert à manipuler l'opinion publique à mauvais escient, telle la propagande pratiquée par Mussolini, Hitler et Franco au sein même de l'Europe il y a moins de cent ans. Socrate ajoute que l'enseignement du rhéteur est une «mauvaise nourriture» pour l'âme, car elle n'apporte jamais la vérité et le savoir rationnel, mais seulement une apparence de vérité, un semblant de cohérence sans bases solides et qui faussent la vertu de l'homme. Ainsi, le philosophe met en garde sur le fait que la rhétorique puisse réellement distinguer le juste de l'injuste, le bien du mal, le beau du laid. Certes et contrairement au communisme, Poutine reconnaît l'Église orthodoxe russe et ses valeurs chrétiennes. Mais, de toute évidence cette doxa religieuse s'applique d'abord au peuple russe et pas à son Président, ni ses obligés. Cette petite cogitation ne doit surtout pas faire oublier qu'en ce moment même des Ukrainiens font le sacrifice de leur vie pour que nos démocraties apeurées puissent encore espérer demain rester libres, indépendantes et pacifistes.

24 février 2022

Poutine: le retour de l'ours

Parti pour battre le record de longévité de Staline, le "tsar" Poutine construit pas à pas, mais violemment, son rêve du retour d’un grand Empire. Ce documentaire de Frédéric Tonolli (prix Albert-Londres en 1996) passe au peigne fin les motivations profondes de celui qui était décrit comme un "réaliste pragmatique", mais qui en bombardant son pays frère l'Ukraine dès ce jour se révèle être un dictateur de plus en plus dangereux. Entre "diplomatie du marteau" et "stratégie du désordre", diplomates, opposants et observateurs, dont l’ancien ministre Hubert Védrine, des journalistes russes indépendants mais menacés, comme Dmitri Mouratov, prix Nobel de la paix, ou le maître de conférences Kevin Limonier, analysent la capacité hors pair de Poutine à s'immiscer dans les failles de la géopolitique mondiale et d'en vouloir toujours plus. Non seulement l'ours russe est sorti de sa tanière, mais il montre enfin son vrai visage risquant d'unir toute l'Europe contre lui et de choir fatalement dans l'hybris qui est la sienne.