23 décembre 2022

Mots (maux) d'amour

Dans cette interview de la journaliste Mireille Dumas datant de 2007, le comédien Fabrice Luchini s'exprime sur le couple et confie: "À part ma mère, personne ne m'a jamais dit: Va chercher le pain !" Puis, il ajoute: "Être un couple, c'est ne faire qu'un. Mais lequel ?", citation qu'il attribue à l'écrivain Oscar Wilde. Il faut bien reconnaître que ces petites punchlines résument assez bien  tout le risque qu'il y a de tomber (à proprement parler) amoureux lorsqu'on sait que le couple peut devenir un enjeu de pouvoir et qu'il s'y développe sournoisement des rapports inégaux fondés sur la domination, l'absence de partage ou d'écoute, pour ne plus évoluer et s'enkyster dans un processus d'emprise psychologique duquel on ne peut s'extirper que très difficilement ou à grand fracas.


Julie Neveux, linguiste, promeut son livre intitulé "Le langage de l'amour". Elle y décrit les diverses phases du processus amoureux et met l'accent sur l'importance des mots (prétendument) amoureux que l'on s'échange, mots qui peuvent révéler (ou trahir) la nature des réels sentiments que l'on se porte. «C'est toujours très utile de repenser à ce qu'on se dit et comment l'on se parle.» L’essentiel selon la spécialiste du langage est de varier les différentes possibilités de s’adresser à l’autre en mélangeant les diverses phases pour ne surtout pas figer son alter ego au fil du temps dans un rôle qui le réduit. Se parler et s'écouter, c'est sans doute ce que signifiait l'apôtre Jean dans le prologue de son Évangile: "Au commencement était le Verbe. Le Verbe était en Dieu. Et le Verbe était Dieu." (Jean 1:1).

09 décembre 2022

La FIFA d'Infantino: mégalo, parano, dodo ?

Un demi-million de forçats népalais se sont rendus au Qatar pour y construire les stades de la Coupe du monde: chaleur épouvantable, conditions de travail et cadences infernales et nombreux décès par accident dont la cause officielle est invariablement la même: arrêt cardiaque (les médecins qataris seraient-ils si mal payés pour faire leur job ou à l'inverse bien rémunérés pour ne pas en faire trop ?). Ram, 25 ans, a perdu son père, mort au mois de mai 2022 d'un "arrêt cardiaque", alors qu'il était sur un échafaudage. Il va sûrement être obligé de le remplacer, même s'il n'en a pas envie. Il a engagé une procédure pour que la famille soit indemnisée. D'autres survivent, mais à quel prix ? Indra, 40 ans, est cloué dans un lit après une chute de 20 mètres d'un échafaudage. Aujourd'hui, il ne survit que grâce à l’aide de sa femme. Mais, cessons de bouder notre plaisir ! La fête n'est-elle pas magnifique ? Les stades construits au prix de tant de vies humaines sont presque à moitié pleins, leur climatisation est tellement performantes que les spectateurs ne sont pas dépaysés et portent une petite laine comme en hiver et il n'y a pas moins de cent soixante navettes aériennes quotidiennes entre Dubaï et Doha pour amener les supporters (hétérosexuels et abstinents de préférence). Très bon bilan carbone selon les dirigeants de la FIFA, dont son président a préféré s'exiler (judiciairement et fiscalement) dans le pays organisateur. Pour les prochaines Coupes du monde, on doit pouvoir encore faire mieux: Construisons des stades en pleine forêt amazonienne ou, plus fun, sur la banquise du Pôle Nord, juste avant qu'elle ne fonde et périsse corps et âme au fond des abysses, à condition bien sûr d'aider les Esquimaux à trouver du gaz ou du pétrole !


Alors que la FIFA s'emploie à faire beaucoup de pognon sans état d'âme et cautionner le gaspillage des ressources naturelles par des votes d'attribution entachés pour le moins d'opacité et de suspicion, ne ferait-elle pas mieux de réformer les règles du football pour les adapter aux joueurs actuels qui ne sont plus ceux de l'Antiquité et faire en sorte que le spectacle soit sensiblement plus intéressant à regarder. Parce que si l'on doit décompter les bonnes actions sur quatre-vingt dix minutes de jeu, même avec les meilleurs joueurs du monde, il reste en moyenne une bonne heure où il ne se passe quasiment rien (hormis quelques rares matches d'exception tel que Suisse-Serbie 3-2), à part des joueurs qui s'agressent mutuellement avec leurs bras au lieu de jouer avec leur pieds. Si l'on veut résolument favoriser un jeu offensif  et rapide et bannir les scores nuls qui frisent le nirvana de l'ennui, ne serait-il pas temps de sanctionner plus durement tout comportement qui casse le jeu offensif et parfois blesse sérieusement les joueurs, mais surtout provoque des arrêts de jeu intentionnels qui favorisent l'équipe fautive en lui accordant, comble de l'ironie, tout le temps qu'il faut pour se replier en défense ? Alors, Messieurs de la FIFA, supprimez une bonne fois pour toute ce carton jaune qui n'effraie plus personne depuis fort longtemps et remplacez le par une suspension immédiate du joueur coupable pendant au moins quinze minutes ! Rien de tel pour mettre fin aux tirages de maillots et autres croche-pieds incessants qui n'échappent plus à la vidéo et ainsi protéger le plus beau jeu qui soit, celui de l'attaquant. Pas bête le moustique, me direz-vous ? Et, combien pour ce petit conseil d'amateur si l'on se réfère aux deux millions de francs suisses empochés par Michel Platini sur une durée de quatre ans ?  Eh bien c'est cadeau. Si, si, j'insiste au nom de tous les spectateurs qui se réjouissent tous les quatre ans de voir du bon football, mais finissent par déchanter en constatant que rien ne change.

25 novembre 2022

Nihilisme/relativisme: la revanche des ignorants (ou des inconscients)

Relativisme & nihilisme sont deux concepts très à la mode dans les débats de fond de notre société. Pour autant, leur utilisation est souvent abusive ou erronée. Une mise au point s'impose pour les définir clairement, car pour attaquer son ennemi autant bien le connaître. Commençons par le moins mauvais : le relativisme. Le dictionnaire de philo en donne la définition suivante : « Thèse selon laquelle le sens et la valeur des croyances et des comportements humains n’ont pas de références absolues qui seraient transcendantes.» En d’autres termes, la vérité dépend des individus : “À chacun sa vérité” et il ne sert à rien de chercher la vérité puisque celle-ci n'existerait pas ou serait indéterminée. Vraiment ? Et voilà comment on anéantit des millénaires de réflexions, de recherches, d’écrits, qui ont véritablement construit notre civilisation occidentale. Platon, Aristote, Saint Augustin, Saint Thomas d’Aquin, Descartes: Tous aux oubliettes, car, le relativisme proclame l’égalité des cultures. Il refuse l’idée qu’il puisse y avoir des valeurs universelles. Pour demeurer concret, prenons l'exemple de certaines pratiques ethniques telles l'excision, la polygamie, ou de certains régimes ultra-libéraux, autocratiques et nationalistes favorisant les discriminations et tolérant toute forme d'esclavage moderne (traite d'êtres humains) ou, pire, ayant des visées génocidaires. Cela nous paraît profondément mauvais et inhumain. Mais cela n’empêche pas les relativistes de percevoir dans notre jugement une accusation d'ethnocentrisme, à partir de laquelle il suffirait de peu pour se voir reprocher d'être "xénophobe". “Toutes les cultures se valent”, répètent en cœur les relativistes. Et donc l’excision, les discriminations et les génocides n'ont pas à être conspués, car nos yeux d’Occidentaux nous empêcheraient d’y voir une pratique historique admissible. La faute en reviendrait à notre culture occidentale qui, doublée d'un passé colonial et esclavagiste, nous écraserait d'un mal encore plus profond: la culpabilité. Le relativisme s’oppose à l’universalisme moral, thèse selon laquelle une éthique universelle s'appliquerait erga omnes, c'est-à-dire à tous les individus indépendamment de leur culture, religion, nationalité, sexe et statut social. C’est notamment le cas de la Convention européenne des droits de l'Homme ou du Pacte international onusien relatif aux droits civils et politiques ou encore du jus cogens (normes impératives de droit international interdisant notamment la peine de mort et la torture) qui devraient s'appliquer à tout être humain où qu'il soit.

11 novembre 2022

Movember: la prévention des maladies est aussi une affaire de mecs

En ce mois de novembre, ils sont nombreux à se laisser pousser la moustache pour la bonne cause. L’opération “Movember” (slogan fun inventé par les australiens en 2003 qui est la contraction des mots moustache et novembre) incite au dépistage des maladies masculines, notamment du cancer, des maladies mentales et surtout du suicide qui est dramatiquement trois fois supérieur chez les hommes particulièrement âgés (assistance au suicide non comprise) par rapport à la gente féminine. Cela est dû en partie au fait que les problèmes de santé des mâles, en référence à leur éducation et à la culture "machiste", sont bien plus ignorés, voire tabous. C'est aussi ce qui explique que l'espérance de vie des hommes demeure en moyenne plus courte de six années par rapport aux femmes. Comme quoi le combat pour l'égalité, contrairement aux préjugés, n'est pas à sens unique. Pour passer à l'action, rendez-vous sur le site viril, badin et décomplexé de Movember !

 

28 octobre 2022

Brésil: Le fiasco de "Lava Jato" ou le procès d'une justice sous influence

Le site The Intercept a révélé en 2019 des messages montrant que le juge emblématique de "Lava Jato", Sergio Moro, avait conspiré avec les procureurs pour empêcher l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva de se présenter à la présidentielle de 2018. Pour rappel, Lula, donné favori par les sondages, avait été condamné à la prison et exclu brutalement de la course électorale par les juges. Ainsi, Jaïr Bolsonaro put remporter la présidence et, en guise de renvoi d'ascenseur, désigna Moro comme ministre de son gouvernement. Mais, ce mélange des genres fit grincer des dents et, après avoir été mis en cause par les médias, l'ex-juge démissionna, reprochant à Bolsonaro son ingérence. N'oublions pas également le procès d'intention fait à l'ex-Présidente Dilma Rousseff, héritière politique de Lula, qui une fois destituée n'a jamais fait l'objet de poursuites judiciaires pour les prétendues graves accusations de mauvaise gestion qu'on lui portait ! Son successeur illégitime Michel Telmer reconnut plus tard qu'il s'agissait uniquement d'un putsch. "Ce vaste scandale a montré que tordre les règles sapait l'ensemble de la justice et la démocratie", explique le constitutionnaliste Daniel Vargas. Quant au professeur de droit Pedro Serrano, il met en garde: "Aujourd'hui, on assiste à une dégénérescence du droit. Cette expression vient de la façon dont les juristes allemands décrivaient le droit durant le nazisme. Il y a une grande similitude à cet égard. Vous conservez la Constitution de manière formelle et vous procédez à l'érosion de sa signification. C'est ce qu'a fait Hitler en continuant de gouverner de manière dictatoriale sous la Constitution démocratique de Weimar. On retrouve ça dans divers pays du monde: Hongrie, Venezuela et au Brésil. J'appelle ça: l'autoritarisme liquide (...)"