18 octobre 2024

Israël - Palestine : D'une paix rendue impossible à la fabrique de monstres

 

Au moment où il nous faut commémorer le pogrom du 7 octobre 2023 et nous recueillir sur les centaines de victimes innocentes des exactions génocidaires du Hamas qui, ironie funeste, s'en est pris assurément aux israéliens les plus conciliants et les plus empathiques à leur cause, soit des jeunes qui n'aspiraient qu'à la paix entre les deux peuples et ne faisaient que festoyer joyeusement, tout à l'opposé de la mentalité des colons juifs orthodoxes  implantés en Cisjordanie qui, pour les plus fanatiques d'entre eux, ne cherchent qu'à restaurer le "Grand Israël" biblique et pour le coup vouloir une terre qui va bien au-delà de celle de la Palestine historique du fleuve Jourdain à la Mer Méditerranée, ce reportage détaille scrupuleusement les événements des vingt dernières années qui démontrent rétrospectivement et à l'évidence les torts amplement partagés des deux belligérants qui n'ont cessé d'agir contre la solution à deux États, pourtant décidée par la Communauté internationale et voulue à l'époque tant par le 1er ministre israélien Yitzhak Rabin que par le chef de l'organisation de lutte pour la Palestine Yasser Arafat, comme cela fut convenu dans les accords d'Oslo de 1993. Et pour cause. Yitzhak Rabin ne verra jamais se concrétiser la solution à deux États puisqu'il fut assassiné deux ans plus tard par un juif ultra orthodoxe. Quant à Yasser Arafat, il exercera l'autorité palestinienne jusqu'en 2004, année de sa disparition après avoir été empoisonné au polonium par son entourage.

Hélas, c'est le triste sort que l'on réserve aux hommes politiques «faiseurs de paix» au Proche-Orient. Déjà en 1981, le président égyptien Anouar el-Sadate fut assassiné par un membre du Jihad islamique pour avoir conclu les accords de paix de Camp David en 1978 avec l'israélien Menahem Begin. Après cet immense gâchis diplomatique, il n'en fallut pas plus pour que les fanatiques des deux bords prennent le dessus et se transforment en va-t-en guerre: Le Hamas en niant l'existence de l'État hébreux, en brisant l'unité du peuple palestinien  pour se dissocier du Fatah et tomber dans les travers de l'intégrisme religieux; le gouvernement de Netanyahu pour avoir favorisé cette division, affaibli la cause palestinienne et repoussé aux calendes grecques toute solution à deux États aux seules fins de poursuivre cyniquement sa colonisation de la Cisjordanie. Aujourd'hui, Israël, plus que les trois "H" que sont le Hamas, le Hezbollah et les Houthis, se retrouve rétrospectivement face à ses propres démons, soit d'avoir choisi le conflit permanent en arguant prétendument de sa survie alors qu'il n'a fait qu'assouvir une politique de colonisation de la Cisjordanie durant ces quinze dernières années. Si Israël se prévaut d'être une véritable démocratie laïque, à l'inverse du Hamas, il se doit de faire son examen de conscience et trancher ce lourd dilemme entre la solution à deux États ou sa politique de colonisation, voire d'expansion, autrement dit entre une paix durable ou une guerre perpétuelle avec ses voisins. Mais, il se pourrait bien que face à la menace croissante et généralisée de l'islamisme dans cette région du monde qui a pour effet de brouiller toujours plus la légitime et véritable cause historique et politique des palestiniens, ce choix ne soit plus possible et qu'une guerre hybride de "civilisations" soit déjà engagée et dont l'intensité dépendra aussi du résultat de la prochaine élection présidentielle américaine. Non pas une guerre de la culture judéo-chrétienne contre celle des musulmans comme on tentera de nous le faire accroire. Mais, avant tout, un combat des Démocraties laïques et des Lumières contre un fascisme et un fanatisme religieux des ténèbres. Et l'embryon d'un État palestinien de se voir à nouveau sacrifié sur l'autel des impérialismes dominants.

04 octobre 2024

La démocratie se suffit-elle à elle-même ? (2/2)

Pour approfondir et décortiquer sur un plan plus collectif et sociétal ce sujet précédemment abordé, rien de plus édifiant que de voir ou revoir le document de l'émission "DataGueule" datant de mai 2018. Pour ses auteurs, «La démocratie, c'est l'opposé du confort. C'est assumer l'incertitude, la confrontation. On a souvent cette fausse image en tête: quelque chose de simple, épargné par les conflits. Et, si c'était l'inverse. Un système complexe qui se nourrit de nos désaccords. Une foutue somme d'efforts. Et, parfois, c'est l'usure qui l'emporte (et donc la loi du plus fort). Mais, si l'on était habitué à ces efforts dès le plus jeune âge, comme une gymnastique sociale ? Après tout, pourquoi ne pourrait-on pas apprendre la démocratie comme on apprend à lire ou à compter ?» C'est tout le pari risqué de la démocratie. Et si le peuple ne le prend pas, il laisse fatalement à d'autres s'en occuper forcément à ses dépens (voir un précédent article intitulé "Démocratie versus Fascisme: le sempiternel combat"). Et, c'est assurément parce que la démocratie n'est pas une sinécure qu'il existe autant de régimes autocratiques qui sévissent et perdurent dans le monde: soit que les Occidentaux ont échoué par l'ingérence militaire à imposer leur modèle politique contre la volonté des pays et peuples concernés tels l'Afghanistan, l'Irak, la Libye ou encore la Syrie durant ces vingt dernières années; soit qu'il s'agit d'un choix implicite ou par défaut comme la Chine de Xi Jinping ou la Russie de Poutine qui, expériences faites pour cette dernière, a peu apprécié la parenthèse "démocratique" sous l'ère Boris Eltsine qui ne fut qu'une période de libéralisme sauvage pour permettre à une minorité d'oligarques de s'accaparer les richesses du pays. On y dit depuis que ces peuples auraient conclu un pacte tacite avec leur dirigeants: Ne pas s'occuper de politique en échange de quoi leur régime leur apporte sécurité et croissance économique. Sauf que ce pacte faustien n'est pas nouveau et ne prémunit pas lesdits peuples de l'asservissement, des pulsions bellicistes et désirs d'expansion de leurs élites avec pour seule finalité de satisfaire une avidité insatiable pour le pouvoir et les richesses. Et c'est fatalement la guerre entre les nations qui ressurgit avec son cortège de malheurs et de régression des valeurs humanistes. L'histoire allemande du IIIème Reich nous prouve que tout n'est que répétition et que la paresse démocratique des peuples s'avère toujours et à plus ou moins long terme un choix des plus funestes. Car, comme semblent l'ignorer la masse molle, informe et nombreuse  des abstentionnistes, la démocratie ne s'use irrémédiablement que lorsqu'on ne s'en sert pas.


Il faut néanmoins exprimer un bémol concernant ce reportage qui pourtant balise plusieurs pays européens de l'Espagne à l'Islande: Il n'y a pas un mot sur la démocratie helvétique qui pourtant est le seul pays à utiliser régulièrement des instruments politiques tels que l'initiative et le référendum populaires. Est-ce un oubli involontaire ou une forme de condescendance réciproque pour un pays qui a toujours eu des relations compliquées avec l'Union européenne et ne souhaite pas en faire partie ?

20 septembre 2024

La démocratie se suffit-elle à elle-même ? (1/2)


Voilà un beau sujet de dissertation de niveau baccalauréat sur lequel nos jeunes d'aujourd'hui pourraient plancher (ou sécher c'est selon) un temps certain au vu de la complexité de la question. Autrement dit, il s'agit de savoir si vivre dans une société prétendument démocratique, mais surtout libérale, par opposition aux dictatures, est une garantie de bonheur comme l'écrivit Paul Éluard dans son célèbre poème mettant au pinacle des valeurs humaines le graal suprême qu'est La Liberté. On peut dire sans trop hésiter qu'une vraie démocratie garantit en principe les droits fondamentaux des individus dont la liberté est une valeur centrale, et qu'à ce titre elle est une condition nécessaire, mais certes pas suffisante, pour que chaque individu puisse  s'épanouir et atteindre une certaine plénitude dans l'existence. Si une saine démocratie crée le contexte favorable pour qu'un tel bonheur puisse advenir, elle peut être aussi la cause de beaucoup de désillusions, de tourments et de malheurs, tant cette liberté que peuvent exercer abusivement les uns empiète et piétine fâcheusement et irrémédiablement sur celle des autres le plus souvent pour les avilir et s'enrichir à leurs dépens. Sa dérive la plus redoutée est celle de corporatismes débridés et insidieux qui lorsqu'ils ne trouvent pas de contre-pouvoirs suffisants aboutit à instaurer une sorte de fascisme silencieux. À l'échelle des nations, l'Histoire humaine n'est qu'une infinité de répétition de ce dualisme entre dominants et dominés. Au niveau des individus, c'est également la même mécanique qui se reproduit quand les jeux de pouvoirs deviennent délétères et aboutissent à nier l'autre dans son être, voire à le supprimer humainement, si ce n'est physiquement. D'aucuns rétorqueront que dans un État de droit les lois protègent les individus contre de tels abus. Certes, les sociétés démocratiques qui garantissent le principe de l'État de droit ont fait d'énormes progrès si l'on prend comme date pivot la Révolution française et sa Déclaration universelle des droits de l'Homme et du Citoyen, depuis le Moyen-Âge jusqu'aux temps actuels. Mais, les lois sont avant tout des actes politiques dont le premier souci n'est pas de rendre les gens vertueux, mais de fixer des règles de vie en société qui garantissent autant que faire se peut la paix sociale et la croissance économique. Rien de plus. Les sociétés prétendument démocratiques n'arrivent toujours pas à rendre les gens plus honnêtes, à ne point trahir, mentir, corrompre, haïr ou calomnier son prochain, si tant est que dans leur application de telles lois pussent suffire. Par exemple, on sait que certains secrets professionnels sont protégés par la loi. Mais, dans les faits, ils sont souvent violés au sein de corporations sans que celui qui accorde sa confiance n'en sache rien et ne puisse jamais s'en plaindre. Bref, les lois en démocratie ne sont que des pis-aller plus ou moins efficaces et respectés. Elles espèrent rendre la société meilleure sur le long terme. Mais, à l'échelon individuel, elles n'ont pas  de vertu pédagogique suffisante, n'en déplaise aux nihilistes, relativistes et athées (voir l'article sur le nihilisme et le relativisme: la revanche des ignorants ou des inconscients). Elles le sont d'autant moins pour les personnes vulnérables tels les jeunes adultes qui n'auront reçu en héritage aucune éducation morale ou religieuse, soit le socle des valeurs humaines fondamentales telles qu'on les retrouve par exemple dans La Bible et qui constituent les repères les plus précieux permettant de distinguer le Bien du Mal, d'agir avec conscience et donc de s'orienter en connaissance de cause sur l'océan des libertés et de ses outrances tant vanté par nos prétendues démocraties, mais recelant d'innombrables pièges pour un marin naviguant sans boussole et à ses risques et périls.

06 septembre 2024

« Aime ton prochain comme toi-même ! »

S'il existe un commandement biblique qui résume à lui seul tous les autres, c'est à n'en point douter celui-là. Il s'inspire directement de la règle d'or universelle que l'on trouve dans tous les courants philosophiques et religieux à travers le monde: «Ne fais pas autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse» ou «Traite les autres comme tu voudrais être traité». Cette règle de réciprocité morale prend sa source dans la Bible hébraïque, plus précisément dans Le Lévitique (Lv 19:18). Elle est la clé de voûte du Décalogue ou des Dix Commandements et elle coïncide avec l'émergence des plus grands courants philosophiques d'Asie centrale, tels l'hindouisme, le bouddhisme, le confucianisme et le taoïsme. Née de l'Ancien Testament, elle est d'abord énoncée pour atténuer l'application de la loi du talion bien connue sous l'expression "œil pour œil, dent pour dent". Ainsi, elle fait régresser dans les mœurs et traditions le concept de justice propre ou "vengeance" pour tendre vers une justice que l'on veut indépendante et impartiale lorsque précisément la règle d'or précitée n'a pas été respectée dans les rapports humains ou sociaux. À l'avènement du Christ, celui-ci n'eut jamais renié la religion des Anciens. Il conféra simplement à cette règle d'or un caractère plus miséricordieux, voire sacrificiel, quand il énonça: "Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, tends lui aussi l'autre." Par ses paroles et lorsque Le Christ se rebellait et dénonçait l'injustice et le mercantilisme des Rabbins de son époque, il montrait aussi qu'il était un adepte de la non-résistance et de la non-violence à un point où il considérait qu'il pouvait aller jusqu'à risquer sa vie pour les enseignements qu'il professait auprès de ses disciples et de ceux qui croyaient en lui. Car, et c'est un apport essentiel du Nouveau Testament, Jésus-Christ, a contrario des Hébreux, avait suffisamment démystifié la mort pour ne plus en avoir peur, comme le rapporte l'apôtre Jean dans son Évangile (Jn 5:20-29). Mais, pour avoir placé ce Commandement au-dessus de tous les autres, comme l'ont déclaré Mathieu (Mt 22:39) et Marc (Mc 12:31-34), ce qui ne convenait guère aux grands prêtres de son époque, Jésus-Christ avait-il conscience qu'après sa crucifixion, c'est aussi la figure du Mal que les apôtres feraient surgir, soit celle du Diable cité en de multiples endroits du Nouveau Testament et sur laquelle les Hébreux n'avaient fait que s'interroger longuement en l'invoquant une seule fois dans le livre de Job sous le nom de Satan ? Il fallait au moins cela pour rendre compte, comprendre et expliquer aux générations futures qu'elle fut la cause primordiale de la toute première erreur judiciaire rapportée par l'écriture et unanimement reconnue dans l'Histoire humaine, soit celle de la condamnation à mort et par complot d'un parfait innocent: Le Fils de l'homme. Aujourd'hui, on oublie trop souvent que ce Commandement est à l'origine même du mouvement humaniste qui aboutit à la Déclaration universelle des droits de l'Homme et du Citoyen lors de La Révolution française, tout autant que les sciences modernes s'intéressant aux relations humaines n'ont pu s'empêcher de lui donner une dénomination parfaitement laïque: l'empathie. Ainsi, s'il nous faut résumer le christianisme à trois apports anthropologiques essentiels, on retiendra prioritairement l'amour de son prochain, la résurrection par la chair et la lutte du Bien contre le Mal en tant que ce dernier est l'Adversaire tout désigné du Commandement suprême cité en premier.

23 août 2024

La face cachée de l'esclavagisme suisse

 

Dès le XVIème siècle, plus de 10 millions d’Africains et Africaines furent  déportés aux Amériques dans le cadre de la traite atlantique. Et, fait peu connu du grand public, certaines villes suisses ont investi dans le trafic d'esclaves. C'est notamment le cas de Berne et Zurich qui ont placé de l'argent public dans la "Compagnie des mers du Sud", une entreprise britannique active, entre autres, dans la traite négrière. Elle disposait d'un monopole avec les colonies espagnoles en Amérique. Selon l'historien Bouda Etemad, les villes de Suisse avaient parfaitement connaissance des activités peu honorables de l'entreprise britannique: «Peu importe la nature ou le profil de l'entreprise, ce qui les intéressait, c'était le rendement. Il n'y avait aucune barrière morale.» Zurich fut impliquée financièrement dans la déportation de plus de 36'000 esclaves, selon l'ouvrage "La Suisse et l'esclavage des Noirs" des coauteurs Thomas David, Bouda Etemad et Janick Schaufelbueh.

Au-delà des aspects financiers, que savaient précisément nos autorités fédérales sur les pratiques esclavagistes de milliers de colons suisses ? Et quelle a été leur attitude ? Une partie de la réponse se trouve dans le Rapport du Conseil fédéral adressé au Conseil national en 1864 concernant les Suisses établis au Brésil. Rappelons qu’à cette époque, presque tous les pays européens, dont la Grande-Bretagne et la France, avaient aboli l’esclavage ! Ce document d'archive montre tout d'abord que le Conseil fédéral était parfaitement au courant de l'existence de colons esclavagistes au Brésil. Il connaissait même le prix d'un esclave compris entre 4'000 et 6'000 francs de l’époque. D'après l'historien activiste Hans Faessler: «Pour la première fois, la question de l'esclavage apparaît au Parlement suisse. Le Gouvernement admet que des Suisses possèdent des personnes réduites en esclavage non seulement au Brésil, mais aussi à Cuba et en Amérique du Nord. Parmi ces Suisses de l'étranger, on trouve des propriétaires de plantations, des négociants et des artisans.» Pour le Conseil fédéral de l'époque, la pratique de l'esclavage n'implique la commission d'aucun crime. Bien au contraire, elle est décrite comme avantageuse pour  les Suisses installés au Brésil. Et priver, voire punir, ces colons d'une partie de leur fortune qualifiée de légitimement acquise aurait été perçu comme injuste et immoral. Autres temps, autres mœurs barbares !